Les drêches de brasseries : un coproduit aux utilisations multiples

Coproduit végétal issu de la fabrication de la bière, les drêches de brasseries représentent une part significative des volumes en sortie de process (20% de drêche pour 80% de bière). Chaque année en Europe entre 3 et 4 millions de tonnes sont générées et nécessitent une valorisation adaptée.

Riches en éléments nutritifs, les drêches de brasserie empruntent dans la plupart des cas la voie de l’alimentation animale, le compostage ou la méthanisation. Avec une croissance forte de ce secteur et un prévisionnel d’environ 2.000 établissements d’ici 2020, la gestion de ces tonnages, étroitement lié à leur situation géographique (urbain vs rural) fait émerger de nouvelles voies de valorisation.

Les CONTRAINTES

Avant de faire un tour d’horizon des projets innovants sur la valorisation des drêches, plusieurs contraintes doivent être prises en compte :

  • Contraintes réglementaires

Depuis le 1er janvier 2016, les professionnels produisant plus de 10 tonnes par an de biodéchets ont l’obligation de les séparer et de les valoriser vers des filières spécifiques (interdiction de les enfouir dans les centres de stockage).

  • Contraintes matières

Les drêches de brasseries sont riches en protéines, en sucres divers et ont des taux d’humidité élevés, de l’ordre de 80%. Leur forte propension à se décomposer, entraînant par la même occasion de fortes odeurs, doit être maîtrisée en assurant des conditions de stockages spécifiques et une logistique optimale.

Ces contraintes peuvent cependant être levées en utilisant un procédé de séchage permettant d’allonger la durée de conservation de ces matières. A l’heure actuelle les systèmes de pressage / séchage sont surtout dédiés aux grandes structures car celles-ci bénéficient d’économies d’échelle, contrairement aux petites structures. Globalement, peu de solutions économiquement viables sont proposées aux petites structures.

  • Contraintes géographiques : Zone rurale vs citadine

Les possibilités de valorisation des brasseries urbaines sont limitées par rapport à celles du milieu rural. Une attente forte des brasseries urbaines se situe dans l’innovation et la création de filières locales, à dominante écologique et durable.

Les établissements situés en ville, éloignés des filières animales, doivent bien souvent payer pour évacuer leurs déchets de brasserie vers des filières à faibles valeur ajoutées (compostage, méthanisation) qui constituent leur seule voie de recours.

Les établissements situés en zone rurale, localisés à proximité des filières animales (éleveurs, usine de préparation d’aliments pour le bétail…etc.) ont tout intérêt à conserver ces voies de valorisation qui proposent des tarifs de rachat attractifs et la prise en charge de tonnages importants.

Filières de valorisation : les classiques

Le compostage :

Bien qu’à faible valeur ajoutée la solution de compostage a le mérite de pouvoir absorber des volumes conséquents. Elle nécessite cependant de mixer les drêches, riches en azote, avec d’autres biodéchets afin d’obtenir un compost de qualité.

La méthanisation :

La méthanisation, intéressante sur le plan énergétique, prend tout son sens lorsque celle-ci peut être intégrée au site et fournir de l’énergie sous forme de chaleur pour chauffer les installations. Les brasseurs réduisent ainsi leur empreinte environnementale tout en valorisant leurs déchets. Cette solution in situ est rare mais possible.

L’alimentation animale :

Comme mentionné précédemment, l’alimentation animale pour les gros producteurs de drêches constitue une voie pertinente pour les valoriser en quantités importantes, tout en représentant un poste de recettes dans le meilleur des cas. Les drêches constituent un bon apport protéique et peuvent être intégrées à la ration des animaux sous les formes humides et sèches.

Filières à haute valeur ajoutée

(existantes ou en développement)

Fermentation : l’exemple des champignons :

Des producteurs de champignons se sont intéressés à la drêche fermentée, qui, de par sa composition et ses propriétés physiques (humidité, éléments structurants…etc.), remplissent les conditions de développement mycélien. Cela en fait un substrat idéal pour la culture de shiitakes entre autres (initiative réalisée par Brussels Beer Project).

Alimentation humaine :

De nombreuses innovations culinaires et locales ont été réalisés à partir de drêche de brasserie ces dernières années, conférant un changement de statut à ces matières organiques considérées comme « déchets » à celui de matière première entrant dans la composition de nombreux aliments.

Les propriétés nutritives de ces drêches en font un produit idéal de substitution pour conquérir de nouveaux marchés « green ». Certaines préparations telles que la farine de drêche enrichissent le produit final en fibres, protéines et acides aminés en apportant des propriétés diététiques à la préparation finale. Les drêches peuvent entrer dans la composition de produits très divers tels que le pain, biscuits, gâteaux apéritifs, pâtes fraîches, cookies, barres de céréales…etc.

L’intérêt est double, pour les brasseurs qui évitent de payer le traitement de leurs coproduits, et le transformateur qui dispose d’une matière de qualité à bas prix.

Produits cosmétiques :

Séchées et réduites en poudre à différentes granulométries, les drêches peuvent être intégré à des savons qui auront des propriétés exfoliantes pour le visage et le corps.

Autres projets en cours :

Des projets innovants sur des secteurs diversifiés comme les biotechnologies (production d’enzymes, extraction de molécules, additifs brassage), les biomatériaux et même la création de meubles sont à l’état de recherches, de prototypes voire déjà fonctionnels. Il faudra raisonnablement attendre quelques années avant que ces filières puissent absorber des tonnages importants et en augmentation constante.

EN CONCLUSION

Les filières se structurent autour de projets innovants qui ont pour vocation d’apporter de la valeur et du sens aux coproduits. Le développement de filières locales et pérennes doit rester un objectif fort !

Bruce Motte

Responsable R&D et Innovation